Histoire de l'assassinat manqué du 11 aout 1996

Docteur Louis Marie LE CABELLEC

Période d'intimidation

› Dès que j'ai informé mon entourage, mes proches, mes patients, en fait, tous ceux que je côtoyais à longueur de journée, qu'il ne pouvait exister qu'un seul DÉNOMINATEUR COMMUN, pour expliquer ce qui se passait sur LA DÉSIRADE : l'EAU, distribuée par une société dont le Maire, sa soeur et son frère étaient les garants, un flot d'appels téléphoniques, sans interlocuteurs, arrivait tous les soirs. Il n'y avait que le silence, malgré, la certitude d'une présence.

› Comme je disposais d'un téléphone / fax, j'ai toujours pensé, alors, qu'un ami de Métropole essayait de me joindre. Je n'y prêtais aucune attention particulière. Jusqu'au jour, où il s'est manifesté : salaud, fous le camp, dégages, sinon, on aura ta peau !

› Après avoir reçu cette menace, je suis allé chez mon voisin, lui porter du poisson mariné : méfies toi ! Ces gens là peuvent être méchants et dangereux !!. Ce soir là, mes proches, à qui j'avais raconté cet appel, m'ont fait remarquer que de tels propos ne venaient pas d'un désiradien, mais d'un métro, car il utilisait le Français. Les autres soirs, ce fut en Créole qu'on me menaçait. Il m'est impossible de transcrire ce que mes interlocuteurs me disaient, car ce n'était pas toujours la même personne, mais toujours en Créole. C'était quotidien, à différentes heures de la soirée ou de la nuit (il fait nuit à 18 heures 30, sous les Tropiques). Toujours des injures et des menaces de mort ; il fallait que "je taise ma gueule".

› Peut-être que j'aurais continué à me taire ; jusqu'au jour, où, en arrivant plus tardivement de mes visites, à mon domicile, il est tombé sur ma femme de ménage ( j'étais parti prendre un bain à Baie Mahault et je m'étais rincé à la Petite Rivière ). Rapidement, elle faisait passer la nouvelle : on menace KB (surnom que m'ont donné les Désiradiens), on veut le tuer ! Immédiatement toute l'île fut au courant. Ce fut un débordement de sympathie : je ne devais plus sortir, ne plus répondre au téléphone et surtout ne pas sortir la nuit, ne jamais traverser le Souffleur et le Désert sans être accompagné.

› De merveilleux amis, sont venus dormir chez moi, ce sont pour moi mes enfants, même encore, quand je suis retourné à la Désirade je n'ai pas voulu les exposer, car, eux étaient trop proches de moi en ces moments là et je ne suis pas sûr qu'actuellement....

› Ne pouvant plus rien dissimuler, je me suis rapproché de la gendarmerie. Les gendarmes ont informé leur supérieur et obtenu du Procureur, une écoute téléphonique, en fait, une surveillance téléphonique, car je devais leur signaler par code tout appel particulier. A partir de ce moment là, il n'y a plus jamais eu d'autre appel téléphonique ; comme s'il avait été prévenu !!!.

Tentatives d'assassinat

› Désormais, mes patients, le soir, venaient me voir à domicile en utilisant leur klaxon et leurs phares, afin de me prévenir et de me rassurer ; sinon, ils venaient me chercher, avec les mêmes artifices et me raccompagnaient. Ma femme de ménage se calfeutrait dans la maison et elle ne la quittait que lorsque j'avais dîné et que tout semblait tranquille ; on me savait menacé et on voulait me protéger.

Tout le monde sur l'île était au courant : on voulait me faire la peau. Le souvenir de la mort atroce du défunt Maire Max MATHURIN, n'était pas si lointain...

› Plus de coups de fil anonymes ; aurais-je rêvé ou tout inventé ? Mes enfants, Perrine, Thomas et Vincent venaient en vacances à la Désirade ; je m'étais absenté une journée pour aller les chercher à Pointe-à-Pitre. Nous sommes rentrés par bateau de Saint François et arrivés à Désirade à 18 heures. Vincent a pris la voiture pour aller se baigner à la plage de la Petite Rivière avec son frère et sa soeur. Quand ils sont revenus, Vincent m'a signalé que ma voiture avait un problème de direction au freinage. Mais, j'étais tellement heureux de les revoir que je n'ai prêté aucune importance à ce qu'il me disait. D'autant que, lors de leur premier passage à la Désirade, j'avais une voiture pourrie (on y rentrait par les vitres et le moteur avait rendu l'âme sur le Chemin de la Montagne. Ce dernier était tombé sur la route, après qu'on eut franchi une bosse puis un creux). Le lendemain, en allant au bourg, j'ai failli tomber dans la falaise, en évitant le car scolaire de .....

Alors que je descendais à Beau Séjour, M. M., mon frère nègre, est venu chercher la voiture pour la réparer : section du câble de frein.

› Puis ce fut une période de calme relatif, car la tension montait entre les partisans du maire et de KB : on se rencontrait tous les jours avec des sourires en coin, mais tout ceci avec une certaine nonchalance, car il n'y avait pas de haine manifeste.

Il n'y avait plus d'essence sur l'île. On manquait de tout ou presque, on roulait aux vapeurs d'essence, sinon, au mieux au litre, acheté dans les épiceries. Sans ma voiture, j'utilisais un scooter.

› Un matin, A.F., un voisin, me dit : "Doc il y aura de l'essence aujourd'hui car la barge arrive". Donc au lieu de prendre mon scooter, j'ai pris ma voiture. Je roulais doucement pour ne pas gaspiller mon carburant, car j'avais deux visites à faire avant de commencer mes consultations. A 7 heures 45, comme tous les jours, j'ouvrais mon cabinet médical et à 9 heures, je me présentais à la station pour faire le plein.

› C'est le chauffeur qui était derrière moi, M...., qui sortant rapidement de sa voiture, nous montra, avec une grande inquiétude, que l'essence coulait et que ça fumait ! La voiture fut rapidement poussée sur le port, loin des pompes à essence. M.M. venait faire le plein de sa moto ; il a regardé en dessous de la voiture et a découvert le piège : un bouchon de papier imbibé d'essence entre un trou fait dans le réservoir et le pot d'échappement. Cette "bombe" aurait dû exploser. Mais, nous vivions en période de restriction de carburant ; je roulais aux vapeurs d'essence et non pas avec un réservoir plein à ras-bord. L'assassin ne devait pas savoir exactement comment était notre vie sur l'île.

Dernière sommation

› Mes amis, mes patients ne me quittaient plus : ils me suivaient, m'escortaient. Je n'avais plus le droit de conduire. On me protégeait et surtout, je ne devais plus jamais sortir seul, ni le jour, ni la nuit.

› Il n'empêche qu'un matin, j'ai découvert une balle de 22 long rifle sur ma balustrade de balcon (photo n°1), en sortant de la maison (photo n°2), où je m'étais enfermé pour la nuit. Elle est à la gendarmerie de Désirade ; c'était un peu avant le 11.08.96. Le 10.08.96, j'ai eu deux altercations violentes, une à mon domicile avec .....et l'autre avec monsieur le Maire et son frère, le soir, lorsque j'ai réalisé qu'ils profitaient de la fête de Beau Séjour pour vider le château d'eau (ils étaient prévenus que le lundi suivant, un Huissier devait venir procéder à la vérification de la vidange).

L'assassinat

› Ne voulant que le bien pour mes patients, j'étais inconscient et plus ou moins involontairement trop confiant ; le 11.08.96, j'organisais un grand repas chez moi, dont certains garderont un souvenir mémorable. Étant maniaque, célibataire, j'ai débarrassé, nettoyé, lavé, rangé. Le soir, je devais partir au Bourg pour assister à la Fête avec mes amis et amener mon voisin et ma femme de ménage ; les rendez-vous étaient pris.

› J'avais tout fermé, tout éteint. Je me suis attardé pour appeler un ami au téléphone, lorsque j'ai entendu un bruit dans l'entrée ; je me suis avancé et PAF!! j'étais à genoux, sans savoir ce qui m'arrivait : j'avais mon poignard dans la poitrine !

Petite remarque ou preuve d'une manipulation

› Lorsque le Juge est venu faire la reconstitution de la tentative d'assassinat, il a attendu que la nuit soit tombée. Il a refusé de recevoir les premiers témoins, ceux qui m'ont découvert, par terre, sur la terrasse, mes voisins : le fils d'A.F. et les enfants de Mme M.E.. De même, il n'a pas voulu que ma femme de ménage reste pour témoigner. Elle avait pourtant préparé gentiment à boire à ces messieurs et dames.

› Tout de suite, le Juge m'a fait remarquer que j'avais un grand arsenal : un couteau à vider le poisson sur ma table de chevet dans la chambre, un sabre guadeloupéen sur la table à manger, ce fameux couteau africain sorti de son étui, l'objet du délit, posé sur la table de la cuisine. Mieux, ma canne de marche savoyarde avec sa dragonne et son pique en acier était également une arme redoutable.

› Je lui ai fait remarquer, que j'avais refusé d'être armé, alors que les gendarmes de la Désirade m'avaient proposé des armes : aurais-je dû prendre le risque de tirer sur le premier passant ou le premier patient qui venait chez moi sans avertir en criant ou klaxonnant ? Je ne voulais pas être armé, car la violence engendre la violence et je ne voulais pas rentrer dans cette spirale joliment présentée ...

› Lorsque la nuit est tombée, le Juge m'a demandé de lui montrer comment cela c'était passé. Il faisait allumer et éteindre les lumières de la maison sans arrêt. Si bien qu'il était impossible de distinguer quoi que ce soit, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. J'avais beau lui expliquer qu'ayant fermé la maison, ayant éteint toutes les lampes, je déambulais dans les pièces pour tout vérifier avant mon départ sans avoir besoin de lumière, d'autant que la nuit était très claire, il n'a jamais cherché à savoir si nous étions en période de pleine lune.

› J'ai vu une ombre me poignarder ; j'ai vu un chabin (un mulâtre) traverser mon jardin, sous le lampadaire en direction de la chapelle. Mon propriétaire, E.P, a trouvé le passage dans le grillage.

› Pourquoi un couteau, et non pas une arme à feu ? Certains étaient à la pêche à la tortue (pêche strictement interdite), sur ma plage, en dessous de chez moi. Il y avait du monde entre Baie-Mahault et Morne Cybelle !! Tout le monde n'était pas à la fête au Bourg et pour cause, les tortues montaient. Un coup de feu aurait ameuté tous les braconniers. Mon assassin était sûr d'être tué à son tour.

› Ce n'est qu'au bout d'un certain temps que j'ai réalisé que tout était organisé. Il n'y avait pas d'assassin, mais une victime responsable d'une comédie : un gendarme avec épaulettes, faisait remarquer au Juge que je possédais un buste dont une petite fenêtre dévoilait le coeur, avec un petit poinçon sous claviculaire gauche. Ils avaient leur preuve ; je m'étais incarné dans l'oeuvre de MITORAJ. Ce soir là, je fus, suicidé par décision de justice à cause d'ASCLEPIOS 1998 BRONZE 36X28.

› Pour Monsieur le gendarme et pour Monsieur le Juge et tous les autres qui ont participé à cette comédie, je voudrais leur dédier les propos de MITORAJ :

Le coeur : c'est je crois le symbole de ces petites fenêtres ou carrés sur la poitrine de mes héros. Ils sont faits pour contenir de petites têtes de personnes lointaines, mais tellement présentes en nous, qu'elles se font chair de notre chair, pierre de la pierre, bronze du bronze. Dans mes sculptures, je veux aussi renfermer les rêves, les destins, les secrets non confessés