Plainte de Mme Nieger au Conseil Régional
de l'Ordre des Médecins

Directrice de la DDASS

> Plainte du 12 août 1996 (lendemain de la tentative d'assassinat du docteur Le Cabellec)
> Complément d'information de 13 novembre 1996
> Compléments d'informations du 02 décembre 1996




PRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTÈRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
Inspection Départementale de la Santé
43, rue du Père Labat -97100 BASSE TERRE
Téléphone : 81.90.84 - Fax : 81.91.64
LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL
SERVICE : Inspection de la Santé DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
AFFAIRE SUIVIE PAR : Dr Florelle BRADAMANTIS
TEL. 81.90.84 POSTE : 43
REFER : 1049/IDS FB/LB Monsieur le Président

12 août 1996
Conseil Régional de l'Ordre des Médecins,
80, rue de la République
97200 FORT DE FRANCE


OBJET : Saisine du Conseil de l'Ordre des Médecins de la Guadeloupe en vertu de l'article L.417 du code de la santé publique.

Dans le cadre de la « flambée » des cas d'appendicite observée à la Désirade. une enquête a été menée par mes services en collaboration avec le Réseau National de Santé Publique qui a délégué sur place 2 médecins épidémiologistes du 22/7/96 au 3/8/96.

L'enquête s'est appuyée sur différentes sources :

- Dossiers « médicaux » de tous les patients hospitalisés à la Polyclinique,
- Interrogatoire de 61 personnes mené par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales au Dispensaire de la Désirade,
- Relecture de 53 lames d'anatomo-pathologie par 3 anatomopathologiste de l'Hôpital NECKER (A.P. de PARIS).
- Analyses de l'eau du réseau (bilans réglementaires faits par l'Institut Pasteur de la Guadeloupe. Examens spécifiques de toxicologie réalisés par le Centre de Recherches et de contrôle des eaux de la Mairie de Paris).
- Du mois d'août 1995 au mois de juin 1996 : 197 appendicectomies ont été recensées dont la grande majorité opérés par le Dr MANUCEAU (chirurgien à la Polyclinique de la Guadeloupe).

* Seuls 30 à 40% des gens déclarent des signes cliniques compatibles avec un syndrome appendiculaire. Le Dr Le CABELLEC oriente systématiquement ses patients vers le service de Chirurgie de la Polyclinique, pour intervention.
Il avait pourtant été convenu avec lui dès le 4 avril 1996, de la nécessaire orientation vers un service de Maladies Infectieuses afin de mener des investigations plus poussées.

* L'indication opératoire est portée par le Dr MANUCEAU, sans observation médicale écrite, et en dépit d'examens biologiques peu en faveur d'une appendicite aiguë (dans 7% des cas la VS est supérieure ; une leucocytose supérieure à 10 000 est retrouvée dans 6% des cas.

* La relecture des lames d'anatomo-pathologie ne confirme qu'un seul cas d'appendicite, 4 cas « suspects ».

* Aucun syndrome clinique et biologique n'est en faveur d'une origine commune : infectieuse - parasitologique ou toxique.

* Les analyses confirment la potabilité de l'eau du réseau.

A la lueur de ces éléments, les médecins experts du Réseau National de Santé Publique pensent que la seule hypothèse plausible est une modification de la prise en charge médicale et chirurgicale de la population. En effet le Dr Le CABELLEC a débuté son activité à la Désirade le 1er juillet 1995 et les premiers cas ont été observés au mois d'août de la même année.
Malgré la normalité des différents examens. le Dr Le CABELLEC continue à entretenir une véritable psychose sur l'île : il remet en cause les conditions de réalisation des prélèvements la validité des résultats, parle publiquement d'une contamination par salmonelles et conseille aux désiradiens de ne plus consommer l'eau du réseau. Cette attitude conduit certains à - boire l'eau de citerne (potentiellement pathogène). Pour les autres, ses conseils contribuent à l'achat d'eau en bouteille, grevant encore plus lourdement le budget de certaines familles déjà sur endettées par les hospitalisations rapprochées en Guadeloupe.

Il apparaît que le comportement du Dr Le CABELLEC et celui du Dr MANUCEAU ont conduit à opérer indûment 12% de la population de la Désirade, et que leur attitude non conforme à l'esprit de Santé Publique a entraîné une véritable terreur dans la population de nature à créer des troubles d'expression diverse.

Dans un tel contexte, je souhaite continuer à proposer temporairement, un suivi médical approprié aux patients de la Désirade se plaignant de douleurs abdominales. Par ailleurs, je porte plainte devant votre juridiction en vertu de l'article L.417 du code de la santé publique contre les Drs Le CABELLEC et MANUCEAU pour des pratiques médicales contraires aux règles de bonnes pratiques cliniques et de Santé Publique.
Je vous ferai parvenir très prochainement le rapport de mission des médecins du Réseau National de Santé Publique.
Je saisis dans le même temps le Procureur de la République.


LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES
AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
Lucina NIEGER





PRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTÈRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
Inspection Départementale de la Santé
43, rue du Père Labat -97100 BASSE TERRE
Téléphone : 81.90.84 - Fax : 81.91.64
LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL
SERVICE : Inspection de la Santé DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
AFFAIRE SUIVIE PAR : Dr Florelle BRADAMANTIS
TEL. 81.90.84 POSTE : 43
REFER : 1049/IDS FB/LB Monsieur le Président

13 novembre 1996
Conseil Régional de l'Ordre des Médecins,
80, rue de la République
97200 FORT DE FRANCE


OBJET: Plainte contre les Drs MANUCEAU et Le CABELLEC n° 059-96
REFER. : Courrier DDASS 96-1049/IDS du 12.08.96
votre courrier du 25.09.96


Monsieur le Président,

Comme suite à notre entretien téléphonique, je vous prie de bien vouloir considérer les éléments reprochés aux Drs Manuceau et Le Cabellec, contrevenant au Code de Déontologie Médicale.:

ARTICLE 6 :
Non-respect du droit du libre choix du médecin. Il est apparu après interrogatoire des patients que beaucoup étaient systématiquement orientés vers le Dr Manuceau, en vue d'une intervention chirurgicale (199 cas sur 220 opérés).

ARTICLE 8 :
"Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins.
Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.

ARTICLE 33 : "Le Médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".

ARTICLE 40 : "Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié".

En dépit :
- De l'absence de données dans la littérature internationale d'épidémies d'appendicite
- De la normalité de beaucoup d'examens complémentaires (dans 7% des cas seulement le VS est supérieure à 20 à la 1ère heure, 6% ont une leucocytose supérieure à 10 000, 5% ont une polynucléose neutrophile supérieure à 7 000).
- D'un examen clinique non en faveur d'un tableau appendiculaire aigu, pour la majorité des patients.
- D'une discordance dans les indications d'intervention, quand les patients ont bénéficié d'un autre avis.
- Les Drs Manuceau et Le Cabellec ont continué à porter le diagnostic d'appendicite aigu.

L'indication opératoire portée, comme tout acte invasif, n'est pas dénué de risque tant sur le plan anesthésique qu'infectieux.

ARTICLE 13 :
"Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public".

ARTICLE 20 :
"Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations".
"Dans de nombreux articles de presse écrite (ci-joints) et d'interviews télévisées, les 2 médecins sans preuves légales ni scientifiques ont jeté le discrédit sur la qualité de l'eau, sur la compétence et la probité de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, des médecins épidémiologistes du Réseau National de Santé Publique et plus généralement sur l'ensemble des experts interrogés.
Les graves accusations portées ont troublé l'opinion publique.
De plus, la mise en cause régulière et répétée de l'eau dans la genèse d'appendicites a entraîné chez les habitants de Désirade l'achat d'eau en bouteille, grevant lourdement le budget des familles démunies ou a contribué à l'utilisation de l'eau des citernes potentiellement pathogène.

ARTICLE 32 :
"Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents".

ARTICLE 33 :
"Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
Devant l'apparition d'une «épidémie» inexpliquée d'appendicites dans un lieu fermé et devant l'absence de données dans la littérature internationale, les Docteurs Manuceau et Le Cabellec n'ont pas jugé utile de faire appel à d'autres praticiens compétents. Pourtant mes services avaient conseillé (le 4 avril 1996, le 20 juin 1996 par courrier) cette expertise : seuls 8 patients ont été adressés aux services de Maladies Infectieuses et de Pédiatrie du Centre Hospitalier Régional Universitaire.

ARTICLE 35:
"Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état".
Une sérologie VIH a été systématiquement effectuée par le Dr Manuceau, sans information préalable du patient. Cette disposition est contraire à la circulaire n° 684bis DGS du 28 octobre 1987.

ARTICLE 45 :
"Indépendamment, du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle : cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques".
La saisie des dossiers effectués par les Médecins Inspecteurs de Santé Publique, a montré la quasi-absence d'observation médicale. Les éléments cliniques disponibles étaient consignés soit dans la lettre d'accompagnement du médecin traitant, soit dans la fiche anesthésique. L'obligation de constitution d'un dossier médical complet est rappelé dans l'article R. 710-2-1 du Code de la Santé Publique.

LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES
AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES
Lucina NIEGER






PRÉFECTURE DE LA GUADELOUPE
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES

Service: DIRECTION
43, me Paul Lacavé
Affaire suivie par: Mme NIEGER 97110 POINTE A PITRE
TéL : 633
Référence : LN/YG/96- 350/DIR - (à rappeler)
2 décembre 1996
Conseil Régional de l'Ordre des Médecins
80, rue de la République
97200 FORT DE FRANCE
A l'attention du Dr ARISTIDE


OBJET: complément de documents suite à ma plaint. contre les Drs Manuceau et le Cabellec. P.J : 98 dossiers rendus anonymes

Monsieur le Président du Conseil Régional ,

Suite à votre demande de complément d'information, j'ai l'honneur de vous confirmer les éléments suivants :

Analyses de l'eau
M. le Dr MANUCEAU et M. le Dr Le CABELLEC ont obtenu le 22 juillet 1996 par voie de référé du Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre, de faire réaliser des prélèvements d'eau à la sortie du réservoir et dans le réservoir aux fins d'analyse par l'Institut Pasteur. Les intéressés n'ont jamais fait connaître la teneur des résultats. Il est vraisemblable que si les analyses avaient été défavorables, les résultats auraient été immédiatement communiqués à la population et à la presse.
Dans un souci de transparence, je vous ai communiqué les résultats émanant de mes services, il me parait important en contre-partie que les Drs MANUCEAU et Le CABELLEC en fassent de même.

Libre choix du médecin
Lors des enquêtes faites sur place par la D.D.A.S.S. et le R.N.S.P., il est apparu que le Dr Le CABELLEC proposait systématiquement une orientation vers la Polyclinique.
Vous trouverez ci-joints, copies des lettres du Dr Le CABELLEC rédigées en ce sens, qui pose, de plus lui-même, souvent une indication chirurgicale. Certains commentaires apparaissent choquant ("médecine vétérinaire", "suis-je devenu fou"...).

Tenue des dossiers médicaux
Aucun des dossiers médicaux remis à la DDASS par la Polyclinique ne répond aux dispositions de l'article R-710-2-1 du Code de la Santé Publique (décret n° 92-329 du 30 mars 1992)
* Pas de lettre du médecin traitant dans beaucoup de cas,
* Absence d'observations médicales, à l'exception de deux dossiers, (une rédigée par le Dr OURLIAC, l'autre par le Dr MANUCEAU),
* Aucun compte-rendu de consultation pré-anesthèsique,
* Feuilles de surveillance anesthésique sont présentes mais très peu renseignées,
* Pas de compte-rendu d'hospitalisations,
* Lettres de sortie non réalisées de façon systématique.

Indications chirurgicales - Recherche d'avis appropriés
Le vide médical constaté dans la plupart des dossiers permet de s'interroger sur la rigueur qui a conduit à porter une indication chirurgicale.

Concernant l'indication chirurgicale elle-même, plusieurs points sont interpellants :
* Dans un cas le Dr OURLIAC récuse l'intervention, le Dr MANUCEAU opère,
* Les pathologies n'ayant aucune relation avec l'appendicite sont opérées en même temps (phyrnosis, hernies, cholecystectomie). Il est impossible, au vu des dossiers, d'identifier le motif d'hospitalisation initial, et le "pourquoi" des actes,
* Alors que le nombre d'appendicectomies s'accroît au cours du temps, on note que pendant deux semaines (semaine de Noël, semaine du jour de l'An), il n'y a eu aucune intervention. Cet argument est en défaveur d'un réel phénomène épidémique !
* Les Dr Le CABELLEC et MANUCEAU, face à un phénomène unique au monde, jamais décrit dans la littérature internationale, ne se sont pas entourés d'avis appropriés. Outre ce qui avait été visé dans mon précédent courrier à l'article 33, on constate que le Dr MANUCEAU n'a pas fait appel à d'autres confrères de son établissement avant de porter son indication.

Suivi médical ultérieur
Le suivi médical ultérieur quand une pathologie autre a été découverte au décours de l'hospitalisation pose problème, (ex 1 : l'enfant S.P. âgé de 7 ans, chez qui on découvre des oeufs de bilharzie à l'anapath au mois de novembre 1995, n'est toujours pas pris en charge en avril 96 ; ex 2 : l'enfant B chez qui on suspecte une maladie de Willebrand, n'a pas fait l'objet d'explorations complémentaires ; ex 3 : le dossier de Mr SJ., 33 ans, chez qui on découvre une tumeur de l'hypochondre gauche au cours de l'appendicectomie, ne comporte aucun suivi ultérieur).

Examens complémentaires irréguliers
Il est fait quasi systématiquement une sérologie VIH, sans information du patient quelque soit l'âge. Vous trouverez ci-joints les résultats anonymisés.

Propos diffamatoires - Absence de réserves
Les divers articles parus, notamment dans 7 MAG ("J'accuse" du Dr le CABELLEC puis celui du Dr MANUCEAU constituent des éléments incontestables de diffamation, tant envers mes services, qu'envers le Réseau National de Santé Publique, et les experts de l'Hôpital Necker. Les interventions répétées des deux praticiens dans divers média, interventions ne s'appuyant sur aucun fondement ont entraîné, outre le discrédit sur leurs confrères, des comportements potentiellement dangereux chez les habitants de Désirade (consommation d'eau de citerne).

Concernant le résultat des expertises pratiquées par Mme le Dr BROUSSE, il n'est pas possible d'avoir pour l'instant ce document saisi par le S.R.P.J. en présence du Conseil de l'Ordre de Paris et sous scellés judiciaires.

Le nombre d'appendicectomies recensé entre le 1er septembre 1994 et le 1er septembre 1995 est de :
- 11 Polyclinique de la Guadeloupe
- 4 Centre Hospitalier Universitaire.

Le Directeur
Lucina NIEGER